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DEPECHE AGENCE FRANCE PRESSE 17 JUILLET 1985

" Médecine SIDA - Elimination du virus du SIDA dans les produits sanguins destinés aux hémophiles.

Olivia Zémor Info géné

PARIS, 17 juillet (AFP) - Les hémophiles pourront désormais recevoir en toute tranquillité les nouvelles préparations sanguines qui leur sont destinées : une équipe de recherche du centre de transfusion sanguine (CRTS) de Lille vient de mettre au point une technique permettant de neutraliser par la chaleur la présence éventuelle du virus du SIDA dans les produits antihémophiliques.

Le procédé du Pr Lucien Martinache et du Dr Thierry Burnouf consiste à chauffer dans des conditions précises de température et de durée les produits à base de plasma lyophilisé dans leur conditionnement définitif.

Pour vérifier la validité de ce test, rapportait mercredi le Quotidien du Médecin, l'équipe du CRTS de Lille a inoculé des produits avec le virus avant de tester leur méthode d'inactivation, et les échantillons ainsi traités ont été expertisés par le Pr Luc Montagnier, à l'Institut Pasteur, qui a constaté la disparition totale du virus.

Ce procédé a été validé par le Laboratoire National de la Santé et, depuis une semaine, le CRTS de Lille délivre des produits antihémophiliques débarrassés d'une éventuelle contamination.

" Pour le moment, nous fournissons également les autres centres de transfusion sanguine, mais il faut que ceux-ci soient rapidement à même de prendre le relais en maîtrisant eux-mêmes la technique ", déclarait mercredi à l'A.F.P. le Dr Burnouf.

" Il était temps qu'une telle barrière de sécurité intervienne, car les risques de transmission du SIDA par voie sanguine sont considérables pour les hémophiles ", souligne Gérard Mauvillain, responsable de l'Association française des hémophiles ".

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  " Elimination du virus...

PARIS - Les risques de transmission sanguine sont en effet beaucoup plus élevés pour les hémophiles que pour toute autre personne : si l'on estime à environ 1 pour 500 le nombre des donneurs de sang porteurs de virus, la préparation des produits sanguins destinés aux hémophiles (les facteurs VIII et IX qui contiennent des protéines plasmatiques faisant défaut aux hémophiles et assurant la régulation de la coagulation sanguine), nécessite le regroupement de dizaines voire de centaines de flacons, ce qui multiplie considérablement les risques.

" La mise au point de ce procédé est une bonne nouvelle pour nous, à condition que tous les hémophiles puissent bénéficier de ces produits chauffés et que l'on détruise les stocks existants qui n'offrent pas les mêmes garanties ", souligne Gérard Mauvillain. Celui-ci demande par ailleurs que tous les hémophiles puissent savoir s'ils sont ou non contaminés, pour pouvoir agir en conséquence et prendre les précautions qui s'imposent.

" Actuellement, tous les hémophiles peuvent bénéficier du test de dépistage, mais certains centres de transfusion se refusent à dire à l'intéressé s'il est négatif ou positif ", précise-t-il.

Le Comité d'Ethique National, présidé par Jean Bernard, s'est prononcé dernièrement en faveur de la franchise envers les personnes testées, afin qu'elles puissent éviter de transmettre le Sida à leur partenaire ou à leur conjointe. Mais tous les centres de transfusion n'ont pas encore adopté cette attitude ". 

 

 

Précisions concernant le Professeur Jean Bernard cité dans cette dépêche :

En sa qualité de Président du Conseil d'Administration du Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS), le Professeur Jean Bernard avait été associé à la circulaire du 20 juin 1983 visant à exclure du don du sang les catégories à risque.

Le Professeur Jean Bernard a abandonné ses fonctions au CNTS à la fin de l'année 1984.

Dans le même temps, le Professeur Jean-Pierre Soulier, Directeur Général du CNTS mais aussi Président d'honneur, co-fondateur de l'Association française des hémophiles, laissait sa place au Docteur Michel Garretta. Dans son rapport d'activité de l'année 1982, j'ai retrouvé ce commentaire :

" Il est possible qu'en 1983, nous observions un ralentissement de la demande, ne serait-ce qu'en raison d'une nouvelle maladie transmissible, le Sida, qui est susceptible de freiner l'ardeur des hémophiles et de leurs médecins et de réduire d'une certaine mesure les traitements préventifs systématiques qui participent au coût considérable de l'hémophilie ".

On a vu ce qu'il est résulté de ces passations de pouvoir, en pleine tempête, d'hommes qui savaient, médecins raisonnant en financiers, à d'autres qui disent n'avoir pas su.

Le 16 janvier 1985 le Directeur Général de la Santé, le Professeur Jacques Roux, devait publier une nouvelle circulaire, sévère rappel aux consignes de celle du 20 juin 1983 qui n'avaient pas été suivies par la transfusion sanguine dans sa grande majorité (voir l'article de la Gazette interne de mars 1984). Les collectes de sang dans les prisons étaient toujours pratique courante malgré les risques évidents et décrits dans des études menées par des responsables de la transfusion sanguine elle-même ! Elles se poursuivront au moins cinq ans pour certains centres...

Ainsi, alors que l'on tentait vainement, depuis juin 1983, de sélectionner les donneurs de sang, il aura fallu attendre mai 1985 pour que les mêmes décideurs sachent quoi dire à ceux testés positifs.

Le 22 mai 85, le secrétaire d'Etat à la Santé, Edmond Hervé, étudiait la suite à donner à cet avis du comité d'éthique (voir son discours du 27 mai).

Laurent Fabius, Premier Ministre, décidera, le 20 juin 1985, la mise en route des tests sans plus attendre, avec un financement annoncé de 200 millions de francs.

La date de démarrage sera fixée au 1er août 1985 après bien des débats sur la revalorisation du prix des produits sanguins demandée par la transfusion sanguine.

Pendant ce temps, la distribution des stocks contaminés restait une procédure habituelle...

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